Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/441

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Règle générale : Un bourgeois, quelque républicain rouge qu’il soit, sera beaucoup plus vivement affecté, ému et frappé par une mésaventure dont un autre bourgeois sera victime, ce bourgeois fût-il même un impérialiste enragé, que du malheur d’un ouvrier, d’un homme du peuple. Dans cette différence, il y a sans doute une grande injustice, mais cette injustice n’est point préméditée, |70 elle est instinctive. Elle provient de ce que les conditions et les habitudes de la vie, qui exercent sur les hommes une influence toujours plus puissante que leurs idées et leurs convictions politiques, ces conditions et ces habitudes, cette manière spéciale d’exister, de se développer, de penser et d’agir, tous ces rapports sociaux si multiples et en même temps si régulièrement convergents au même but, qui constituent la vie bourgeoise, le monde bourgeois, établissent entre les hommes qui appartiennent à ce monde, quelle que soit la différence de leurs opinions politiques, une solidarité infiniment plus réelle, plus profonde, plus puissante, et surtout plus sincère, que celle qui pourrait s’établir entre des bourgeois et des ouvriers, par suite d’une communauté plus ou moins grande de convictions et d’idées.

La vie domine la pensée et détermine la volonté. Voilà une vérité que l’on ne doit jamais perdre de vue, quand on veut comprendre quelque chose aux phénomènes politiques et sociaux. Si l’on veut donc établir entre les hommes une sincère et complète communauté de pensées et de volonté, il faut les