Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/471

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des campagnes est trop écrasé, trop anéanti et par sa position précaire, et par ses rapports de subordination habituelle vis-à-vis des paysans propriétaires, et par l’instruction systématiquement empoisonnée de mensonges politiques et religieux qu’il reçoit dans les écoles primaires, pour qu’il puisse seulement savoir lui-même quels sont ses sentiments et ses vœux. Ses pensées dépassent rarement l’horizon trop étroit de son existence misérable. Il est nécessairement socialiste par position et par nature, mais sans qu’il s’en doute lui-même. Seule, la révolution sociale franchement universelle, et bien large, plus universelle et plus large que ne la rêvent les démocrates-socialistes de l’Allemagne, pourra réveiller le diable qui dort en lui. Ce diable : l’instinct de la liberté, la passion de l’égalité, la sainte révolte, une fois réveillé en son sein, ne se rendormira plus. Mais jusqu’à ce moment suprême, le prolétaire des campagnes restera, conformément aux recommandations de M. le pasteur, l’humble sujet de son roi, et l’in- |80 strument machinal entre les mains de toutes les autorités publiques et privées possibles.

Quant aux paysans propriétaires, ils sont en majorité plutôt portés à soutenir la politique royale qu’à la combattre. Il y a pour cela beaucoup de raisons : d’abord l’antagonisme des campagnes et des villes qui existe en Allemagne aussi bien qu’ailleurs, et qui s’y est solidement établi depuis 1525, alors que la bourgeoisie de l’Allemagne, ayant Luther et Mélanchthon à sa tête, trahit d’une manière si honteuse