Aller au contenu

Page:Bakounine - Œuvres t2.djvu/94

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

de ses dignes acolytes, les Morny, les Fleury, les Saint-Arnaud, les Baroche, les Persigny, les Pietri et tant d’autres, s’était réfugié en Suisse, après avoir mis la ville de Paris, toute la France en feu et en sang, et si la République victorieuse en avait demandé l’extradition à sa sœur la République helvétique, la Suisse les aurait-elle livrés ? Non, sans doute. Et pourtant s’il y eut jamais des violateurs de toutes les lois humaines et divines, des criminels contre tous les codes possibles, ce furent eux : une bande de voleurs et de brigands, une douzaine de Robert Macaires de la vie élégante, rendus solidaires par le vice et par une détresse commune, ruinés, perdus de réputation et de dettes, et qui, pour se refaire une position et une fortune, n’ont pas reculé devant un des plus affreux attentats connus dans l’histoire. Voilà, en peu de mots, toute la vérité sur le coup d’État de décembre.

Les brigands ont triomphé. Ils règnent depuis dix-huit ans sans partage et sans contrôle sur le plus beau pays de l’Europe, et que l’Europe considère avec beaucoup de raison comme le centre du monde civilisé. Ils ont créé une France officielle à leur image. Ils ont gardé à peu près intacte l’apparence des institutions et des choses, mais ils en ont bouleversé le fond en le ravalant au niveau de leurs mœurs et de leur propre esprit. Tous les anciens mots sont restés. On y parle comme toujours de liberté, de justice, de dignité, de droit, de civilisation et d’humanité ; mais le sens de ces mots s’est complètement