Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/229

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peuvent survenir dans sa famille. Quant aux accidents et aux maladies qui peuvent le frapper lui-même, ils constituent un risque en comparaison duquel tous les risques du chef de l’établissement, du patron, ne sont rien : car, pour l’ouvrier, la maladie qui frappe la seule richesse qu’il possède, sa faculté productive, sa force de travail, surtout la maladie prolongée, c’est la plus terrible banqueroute, une banqueroute qui signifie, pour ses enfants et pour lui, la faim et la mort.

On voit bien qu’avec les conditions que moi, capitaliste, ayant besoin de cent ouvriers pour féconder mon capital, je fais à ces ouvriers, tous les avantages sont pour moi, tous les désavantages pour eux. Je ne leur proposent plus ni moins que de les exploiter, et, si je voulais être sincère, ce dont je me garderai bien sans doute, je leur dirais :

« Voyez-vous, mes chers enfants, j’ai là un capital qui à la rigueur ne devrait rien produire, parce qu’une chose morte ne peut rien produire, il n’y a de productif que le travail. S’il en était ainsi, je ne pourrais en tirer d’autre usage que de le consommer improductivement, et, une fois que je l’aurais consommé, je n’aurais rien. Mais grâce aux institutions sociales et politiques qui nous régissent et qui sont toutes en ma faveur, dans l’organisation économique actuelle mon capital est censé produire aussi : il me donne des intérêts. Sur qui ces intérêts sont pris, — et ils doivent être pris sur quelqu’un, puisque lui-même en réalité ne produit rien du