Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/273

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sont déterminés par des causes indépendantes de leur pensée et de leur volonté ; qu’ils suivent fatalement l’impulsion qu’ils reçoivent tant du monde extérieur que de leur propre nature intérieure ; |128 qu’ils n’ont aucune possibilité, en un mot, d’interrompre par leurs idées et par les actes spontanés de leur volonté le courant universel de la vie, et que par conséquent il n’existe pour eux aucune responsabilité ni juridique, ni morale[1]. Et pourtant, tous les animaux sont incontestablement doués et d’intelligence et de volonté. Entre ces facultés animales et les facultés correspondantes de l’homme, il n’y a qu’une différence quantitative, une différence de degré. Pourquoi donc déclarons-nous l’homme absolument responsable et l’animal absolument irresponsable ?

  1. Cette idée de l’irresponsabilité morale des animaux est admise par tous. Mais elle n’est pas conforme en tous points à la vérité. Nous pouvons nous en assurer par l’expérience de chaque jour, dans nos rapports avec les animaux apprivoisés et dressés. Nous les élevons non en vue de leur utilité et de leur moralité propres, mais conformément à nos intérêts et à nos buts ; nous les habituons à dominer, à contenir leurs instincts, leurs désirs, c’est-à-dire nous développons en eux une force intérieure qui n’est autre chose que la volonté. Et lorsqu’ils agissent contrairement aux habitudes que nous avons voulu leur donner, nous les punissons ; donc nous les considérons, nous les traitons comme des êtres responsables, capables de comprendre qu’ils ont enfreint la loi que nous leur avons imposée, et nous les soumettons à une sorte de juridiction domestique. Nous les traitons en un mot comme le Bon Dieu des chrétiens traite les hommes, — avec cette différence que nous le faisons pour notre utilité, lui pour sa gloire, nous pour satisfaire notre égoïsme, lui pour contenter et nourrir son infinie vanité. (Note de Bakounine.)