Page:Bakounine - Œuvres t3.djvu/357

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ral, ni la bonne foi individuelle des esprits éminents qui représentent aujourd’hui le positivisme en France. Mais le positivisme n’est pas seulement une théorie professée librement ; c’est en même temps une secte à la fois politique et sacerdotale. Pour peu qu’on lise avec attention le Cours de Philosophie positive d’Auguste Comte, et surtout la fin du troisième volume et les trois derniers, dont M. Littré, dans sa préface, recommande tout particulièrement la lecture aux ouvriers[1], on trouvera que la préoccupation politique principale de l’illustre fondateur du positivisme philosophique était la création d’un nouveau sacerdoce, non religieux, cette fois, mais scientifique, appelé désormais, selon lui, à gouverner le monde. L’immense majorité des hommes, prétend Auguste Comte, est incapable de se gouverner elle-même. Presque tous, dit-il, sont impropres au travail intellectuel, non parce qu’ils sont ignorants et que leurs soucis quotidiens les ont empêchés d’acquérir l’habitude de penser, mais parce que la nature les a créés ainsi : chez la plus grande partie des individus, la région postérieure du cerveau, qui correspond, selon le système de Gall, aux instincts les plus universels mais aussi les plus grossiers de la vie animale, étant beaucoup plus développée que la région frontale, qui contient les organes proprement intellectuels. D’où il résulte, primo, que la vile multitude n’est point appelée à jouir de la liberté, cette

  1. Préface d’un disciple, p. XLIX : Cours de Philosophie positive d’Auguste Comte, 2e édition. (Note de Bakounine.)