Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/250

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plus du tout. Moi je continuai d’y croire, malgré la catastrophe, malgré le crime commis par la bourgeoisie en Juin. Il disait que l’Europe occidentale était désormais pourrie, qu’elle était devenue raisonneuse et lâche, sans foi, sans passion, sans énergie créatrice, comme autrefois le Bas-Empire. Je lui accordais |5 tout cela par rapport à votre civilisation bourgeoise, mais je lui objectais que dans l’Europe occidentale, au-dessous de la bourgeoisie, il y avait un monde barbare sui generis : le prolétariat des villes et les paysans, qui, n’ayant pas abusé ni même usé de la vie, n’ayant pas été dépravés ni sophistiqués par cette civilisation caduque, mais, au contraire, continuant d’être moralisés toujours par un travail qui, tout opprimé et tout esclave qu’il soit, n’en est pas moins une source vivante d’intelligence et de force, sont encore pleins d’avenir ; et que par conséquent il n’y avait pas besoin d’une invasion de la barbarie orientale pour renouveler l’Occident de l’Europe, l’Occident ayant dans ses régions souterraines une barbarie à lui qui le renouvellerait à son heure.

Herzen n’en croyait rien, et il a été tué par son scepticisme beaucoup plus que par sa maladie. Moi, au contraire, j’étais plein de foi ; j’ai été socialiste-révolutionnaire non seulement en théorie, mais en pratique ; c’est-à-dire que j’ai eu foi dans la réalisation de la théorie socialiste, et c’est à cause de cela même que je lui ai survécu. J’ai été et je suis socialiste, non seulement parce que le socialisme c’est la