Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/287

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fatale, dominant l’imagination des hommes, que l’univers était soi-disant gouverné par une force et par une volonté surnaturelles. Les siècles succédèrent aux siècles, et les sociétés s’habituèrent à tel point à cette idée, que finalement elles tuèrent en elles toute tendance vers un plus lointain progrès, et toute capacité à y parvenir.

L’ambition de quelques individus d’abord, de quelques classes sociales ensuite, érigèrent en principe vital l’esclavage et la conquête, et enracinèrent, plus que toute autre, cette terrible idée de la divinité. Dès lors, toute société fut impossible sans, comme base, ces deux institutions : l’Église et l’État. Ces deux fléaux sociaux sont défendus par tous les doctrinaires.

À peine ces institutions apparurent dans le monde que tout à coup deux castes s’organisèrent : celle des prêtres et celle des aristocrates, qui, sans perdre de temps, eurent le soin d’inculquer profondément au peuple asservi l’indispensabilité, l’utilité et la sainteté de l’Église et de l’État.

Tout cela avait pour but de changer l’esclavage brutal en un esclavage légal, prévu, consacré par la volonté de l’Être suprême.

Mais les prêtres et les aristocrates croyaient-ils sincèrement à ces institutions, qu’ils soutenaient de toutes leurs forces, dans leur intérêt particulier ? N’étaient-ils que des menteurs et des dupeurs ? Non, je crois qu’ils étaient en même temps croyants et imposteurs.