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Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/311

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La révolution de 1830 avait découronné, renversé politiquement, mais non dépossédé la noblesse de France, qui n’en était pas moins restée de fait la propriétaire par excellence de la terre. Seulement le caractère de cette propriété avait entièrement changé. Féodale, immobile et privilégiée au moyen âge, elle avait été transformée par la grande Révolution en propriété toute bourgeoise, c’est-à-dire assujettie à toutes les conditions de la production capitaliste au moyen du travail salarié. Pendant la Restauration, la noblesse avait bien essayé de faire revivre, sinon la corvée et les autres servitudes rurales qui furent la base essentielle de la propriété féodale, au moins le principe de l’inaliénabilité de la terre en ses mains, en instituant des majorats[1], et par une législation spéciale qui, |13 en fin de compte, en gênant la vente des propriétés, n’aboutit qu’à un seul résultat : celui de rendre le crédit foncier à peu près impossible. Mais aujourd’hui, propriétaire ou non propriétaire, qui n’a point de crédit n’a point de capital, et qui n’a point de capital ne peut salarier le travail, ni se procurer les instruments perfectionnés, les machines, et par conséquent ne peut pas produire de richesses. Donc toute cette législation ridicule et qui, au premier abord, semblait devoir protéger la propriété, la stérilisait au

  1. Les majorats, supprimés lors de la Révolution par l’Assemblée constituante, furent rétablis, non par les Bourbons, mais par Napoléon en 1806. La Restauration les conserva. La monarchie de Juillet n’abolit pas les majorats existants, mais défendit d’en constituer de nouveaux. — J. G.