Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/36

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dans les masses ouvrières, — je ne parle pas naturellement ici de quelques individus exceptionnels, — elle ne dépend pas seulement d’un plus ou moins grand degré de misère ei de mécontentement, mais encore de la foi ou de la confiance que les masses ouvrières ont dans la justice et dans la nécessité du triomphe de leur cause. Depuis qu’il existe |90 des sociétés politiques, les masses ont été toujours mécontentes et toujours misérables, parce que toutes les sociétés politiques, tous les États, républicains aussi bien que monarchiques, depuis le commencement de l’histoire jusqu’à nos jours, ont été fondés exclusivement et toujours, seulement à des degrés de franchise différents, sur la misère et sur le travail forcé du prolétariat. Donc, aussi bien que les jouissances matérielles, tous les droits politiques et sociaux ont été toujours le lot des classes privilégiées ; les masses laborieuses n’ont jamais eu pour leur part que les souffrances matérielles et les mépris, les violences de toutes les sociétés politiquement organisées. De là leur mécontentement éternel.

Mais ce mécontentement n’a produit que bien rarement des révolutions. Nous voyons même des peuples qui sont réduits à une misère excessive, et qui pourtant ne bougent pas. A quoi cela tient-il ? Seraient-ils contents de leur position ? Pas le moins du monde. Cela tient à ce qu’ils n’ont pas le sentiment de leur droit, ni la foi en leur propre puissance ; et parce qu’ils n’ont ni ce sentiment, ni cette foi, ils restent pendant des siècles des esclaves impuissants.