Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/38

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Cela tient évidemment au caractère des événements qui constituent son histoire. Il y en a qui l’électrisent et le poussent en avant ; d’autres agissent sur la disposition générale de la conscience populaire d’une manière déplorable, décourageante, écrasante, au point de l’abattre ou de la dévoyer, au point quelquefois de la fausser tout à fait. On peut en général observer dans le développement historique des peuples deux mouvements inverses, que je me permettrai de comparer au flux et au reflux de l’Océan.

À certaines époques, qui sont ordinairement les précurseurs de grands événements historiques, de grands triomphes de l’humanité, tout semble avancer d’un pas accéléré, tout respire la puissance : les intelligences, les cœurs, les volontés, tout va à l’unisson, tout semble marcher à la conquête de nouveaux horizons. Alors il s’établit dans toute la société comme un courant électrique qui unit |92 les individus les plus éloignés dans un même sentiment, et les intelligences les plus disparates dans une même pensée, et qui imprime à tous la même volonté. Alors chacun est plein de confiance et de courage, parce qu’il se sent porté par le sentiment de tout le monde. Telle fut, pour ne point sortir de l’histoire moderne, la fin du dix-huitième siècle, à la veille de la grande Révolution. Tel fut, quoique à un beaucoup moindre degré, le caractère des années qui précédèrent la révolution de 1848. Tel est enfin, je pense, le caractère de notre époque, qui semble nous annoncer des événements qui peut-être