Aller au contenu

Page:Bakounine - Œuvres t4.djvu/430

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aspirations et prétentions des bourgeois. On peut dire que cette couche est la moins socialiste, la plus individualiste dans tout le prolétariat.

Par fleur du prolétariat, j’entends surtout cette grande masse, ces millions de non-civilisés, de deshérités, de misérables et d’analphabètes que M. Engels et M. Marx prétendent soumettre au régime paternel d’un gouvernement très fort[1], sans doute pour leur propre salut, comme tous les gouvernements n’ont été établis, on le sait, que dans le propre intérêt des masses. Par fleur du prolétariat, j’entends précisément cette chair à gouvernement éternelle, cette grande canaille populaire[2], qui, étant à peu près vierge de toute civilisation bourgeoise, porte en son sein, dans ses passions, dans ses instincts, dans ses aspirations, dans toutes les nécessités et les misères de sa position collective, tous les germes du socialisme de l’avenir, et qui seule est assez puissante aujourd’hui pour inaugurer et pour faire triompher la Révolution sociale.

Eh bien, dans presque tous les pays, cette canaille, en tant que masse, refuserait d’adhérer à l’Internationale si l’on avait inscrit sur son |15 drapeau, comme

  1. Ce sont les propres termes dont M. Engels s’est servi dans une lettre fort instructive qu’il a adressée à notre ami Cafiero. (Note de Bakounine.) — Sur la correspondance d’Engels avec Cafiero en 1871 et au printemps de 1872, voir L’Internationale, Documents et Souvenirs, par James GUILLAUME, t. II, p. 280. — J. G.
  2. MM. Marx et Engels la désignent ordinairement par ce mot à la fois méprisant et pittoresque, Lumpen-Proletariat, le « prolétariat déguenillé », les gueux. (Note de Bakounine.)