Page:Bakounine - Œuvres t5.djvu/39

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impartiale et une connaissance aussi approfondie que possible de l’état des esprits et des possibilités d’action.

On arrive alors à constater que, même parmi les privilégiés du système, l’ignorance — l’ignorance véritable, celle du vrai — n’est pas moindre généralement que parmi ceux qui ne savent ni lire ni écrire. En mettant hors de cause la classe des exploiteurs de profession, l’inconscience est générale. Elle existe dans les foules de toutes les classes, de même que dans toutes les classes les intelligences d’élite aspirent au bien, reconnaissent l’égalité, et cherchent les moyens de l’établir.

Il s’agit à mes yeux, vous le voyez, de s’entendre bien plus que de se haïr, de s’éclairer bien plus que de se vaincre.

Sans doute, il y a des cercles vicieux qu’il faut rompre, parce qu’ils empêchent tout progrès ; mais en même temps, si légitime que soit le sentiment de la révolte, il doit compter avec cette loi plus inexorable qu’on ne pense : c’est qu’il faut avant tout se faire comprendre, que n’être pas compris c’est, au point de vue moral, ne pas être ; que rien ne vit en ce monde que par concours et consentement, l’organisme social comme l’individuel.

C’est pourquoi rien ne me semble plus funeste aux intérêts de la démocratie que cet esprit d’attaque et de dénigrement qui la fait se combattre elle-même et qui sert si bien ses ennemis. La démocratie, — une minorité, — en face du pouvoir armé, en face d’une foule ignorante, que son inertie morale et intellectuelle donne presque tout entière à l’ordre