Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/125

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tence fictive d’un Être absolu impossible, fantôme malfaisant et absurde, créé par l’imagination enfantine des peuples sortant de l’animalité, et qui, après avoir été successivement revu, corrigé et enrichi par la fantaisie créatrice des poètes et plus tard gravement défini et systématisé par les spéculations abstraites des théologiens et des métaphysiciens, se dissipe aujourd’hui, comme un vrai fantôme qu’il est, sous le souffle puissant de la conscience populaire, mûrie par l’expérience historique, et sous l’analyse plus impitoyable encore de la science réelle. Et puisque l’illustre patriote italien, dès le commencement de sa longue carrière, a eu le malheur de mettre toutes ses pensées et ses actes les plus révolutionnaires sous la protection de cet Être fictif et d’y enchaîner toute sa vie, au point de lui sacrifier même l’émancipation réelle de sa chère Italie, peut-on s’étonner qu’il s’indigne maintenant contre la génération nouvelle qui, s’inspirant d’un autre esprit, d’une autre morale et d’un autre amour que le sien, tourne le dos à son Dieu ?

L’amertume et la colère de Mazzini sont naturelles. Avoir été pendant plus de trente ans à la tête du mouvement révolutionnaire de l’Europe et sentir maintenant que cette direction lui échappe ; voir ce mouvement prendre une voie où ses convictions pétrifiées ne lui permettent pas non seulement de le diriger, mais de le suivre ; rester seul, abandonné, incompris et désormais incapable de comprendre lui-même rien de ce qui se passe sous ses yeux ! Pour