Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/261

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apparence de sécheresse genevoise, à la fois dédaigneuse et timide, et qui exprime si mal la sensibilité et la chaleur cachées de son cœur, repousse plutôt qu’il n’attire, — il repousse surtout les ouvriers en bâtiment, dont il semble, au moins, dédaigner l’ignorance et la grossièreté[1]. La première chose qu’ils apportèrent tous les deux dans l’Alliance, ce fut donc beaucoup d’incertitude et de froid. Ils y apportèrent en outre la condamnation que dans le fond de leurs cœurs et de leur pensée ils avaient déjà portée contre l’Alliance ; de sorte que sous leur souffle sceptique et glacial toute la flamme vive, toute la confiance mutuelle et la foi de l’Alliance en elle-même diminuèrent à vue d’œil et finirent par s’évanouir tout à fait. Enfin ils finirent par assommer la section en lui proposant pour secrétaire un gamin qui sait à peine penser et écrire, le petit Sutherland, après quoi ils cessèrent tous les deux d’assister à ses séances.

  1. C’est en grande partie leur faute si Duval nous a lâchés ; |86 ils avaient trouvé tous les deux que Duval était un sot, un blagueur, et ils le traitèrent comme tel. Ils eurent tort. Je connaissais, moi aussi, toutes les faiblesses de Duval, mais tant que je restai là il nous fut complètement dévoué, et souvent fort utile. Si j’étais resté à Genève, il ne nous eût jamais abandonnés, car j’avais pour habitude de ne dédaigner et de ne jamais délaisser aucun de nos alliés. Je ne me contentais pas de nos jours de séance ; je tâchais de les rencontrer chaque soir au Cercle, tâchant d’entretenir en eux toujours les bonnes dispositions. C’est un travail quelquefois assez ennuyeux, mais nécessaire ; faute de ce travail, Robin et Perron se sont trouvés au jour de la crise sans appui, sans amis ; et la désertion de Duval, très influent dans la section des menuisiers, nous a causé un grand mal. — (Note de Bakounine.)