Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/29

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dans tous les individus qui naissent dans la société le désir, le besoin, parfois la nécessité de commander aux autres et de les exploiter.

On voit que l’instinct du commandement, dans son essence primitive, est un instinct carnivore tout bestial, tout sauvage. Sous l’influence du développement intellectuel des hommes, il s’idéalise en quelque sorte, et ennoblit ses formes, se présentant comme l’organe de l’intelligence et comme le serviteur dévoué de cette abstraction ou de cette fiction politique qu’on appelle le bien public ; mais au fond il reste tout aussi malfaisant, il le devient même davantage, à mesure qu’à l’aide des applications de la science il étend davantage et rend plus puissante son action. S’il est un diable dans toute l’histoire humaine, c’est ce principe du commandement. Lui seul, avec la stupidité et l’ignorance des masses, sur lesquelles d’ailleurs il se fonde toujours et sans lesquelles il ne saurait exister, lui seul a produit tous les malheurs, tous les crimes et toutes les hontes de l’histoire.

Et fatalement ce principe maudit se retrouve comme instinct naturel en tout homme, sans en excepter les meilleurs. Chacun en porte le germe en soi, et tout germe, on le sait, par une loi fondamentale de la vie, doit nécessairement |65 se développer et grandir, pour peu qu’il trouve dans son milieu des conditions favorables à son développement. Ces conditions, dans la société humaine, sont la stupidité, l’ignorance, l’indifférence apathique et les habi-