Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/30

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tudes serviles dans les masses ; de sorte qu’on peut dire à bon droit que ce sont les masses elles-mêmes qui produisent ces exploiteurs, ces oppresseurs, ces despotes, ces bourreaux de l’humanité dont elles sont les victimes. Lorsqu’elles sont endormies et lorsqu’elles supportent patiemment leur abjection et leur esclavage, les meilleurs hommes qui naissent dans leur sein, les plus intelligents, les plus énergiques, ceux mêmes qui dans un milieu différent pourraient rendre d’immenses services à l’humanité, deviennent forcément des despotes. Ils le deviennent souvent en se faisant illusion sur eux-mêmes et en croyant travailler pour le bien de ceux qu’ils oppriment. Par contre, dans une société intelligente, éveillée, jalouse de sa liberté et disposée à défendre ses droits, les individus les plus égoïstes, les plus malveillants, deviennent nécessairement bons. Telle est la puissance de la société, mille fois plus grande que celle des individus les plus forts.

Ainsi donc il est clair que l’absence d’opposition et de contrôle continus devient inévitablement une source de dépravation pour tous les individus qui se trouvent investis d’un pouvoir social quelconque ; et que ceux d’entre eux qui ont à cœur de sauver leur moralité personnelle devraient avoir soin de ne point garder trop longtemps ce pouvoir, d’abord, et ensuite, aussi longtemps qu’ils le gardent, de provoquer, |66 contre eux-mêmes, cette opposition et ce contrôle salutaire.

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