Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/308

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Supposons que je fusse un Italien de la religion de Mazzini et, en cette qualité, un rédacteur attitré de l’Unità Italiana : serais-je pour cela plus vrai, plus raisonnable, plus juste, plus sympathique à la jeunesse italienne, et plus profondément dévoué à la sainte cause de l’émancipation réelle du peuple ? Il me semble que non ; mais alors je préfère rester ce que je suis, et ne pas risquer un changement qui pourrait me faire du tort.

J’espère que la jeunesse italienne, moins humanitaire peut-être, mais certainement plus humaine que l’école mazzinienne, laquelle semble avoir inventé le dogme de l’humanité (verbe de Dieu, comme on sait) seulement pour en faire un piédestal non pour la nation vivante, mais pour un État-Église italien, c’est-à-dire mazzinien, — j’espère que cette jeunesse, en lisant mes écrits, ne demandera pas si mes pensées sont allemandes, françaises, turques, russes, chinoises, japonaises ou italiennes, mais si elles sont justes, oui ou non. C’est là tout ce qu’il lui importe de savoir. Autrement elle ne serait plus la jeunesse, mais la vieillesse, non l’intelligence qui conquiert l’avenir, mais la réflexion routinière qui s’ensevelit dans le passé. Incapable de comprendre et de dire des paroles vivantes, elle radoterait alors comme l’Unità Italiana.

Pauvre Unità ! Elle a été tellement épouvantée par ce simple exposé de principes qui aujourd’hui courent le monde, que, croyant sans doute voir apparaître le Diable, elle s’est mise à réciter, en guise