Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/382

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que vous n’auriez pas souillé votre victoire du sang de vos frères, versé dans de longues et terribles batailles civiles ? » Ah ! voilà donc la question ! Mazzini, oubliant que tous les grands triomphes de l’humanité — mais tous, absolument tous — ont été obtenus par de grandes batailles, propose aux ouvriers d’expérimenter encore une fois les effets prodigieux de sa flûte enchantée ou de sa trompette de Jéricho. Mais il est, pour le moins, ridicule ; et s’il n’est pas ridicule, je prouverai qu’il est odieux : car tant d’humanité apparente cache un sous-entendu de réaction et de trahison envers le prolétariat. L’homme d’État se fait sirène pour endormir la vigilance du peuple et pour triompher de sa légitime défiance.

Mazzini est-il vraiment un si grand ennemi des batailles ? Dans son appel à la jeunesse, il appelle — très ridiculement, il est vrai — Spartacus, l’esclave rebelle, le « premier saint de la religion républicaine ». Et qu’a donc fait Spartacus ? Il a soulevé ses frères d’esclavage, et, autant qu’il l’a pu, il a exterminé sans cérémonies les patriciens de Rome. Il les a contraints à se battre entre eux comme des gladiateurs. Tels ont été les faits et gestes d’un des saints de Mazzini.

Mazzini, comme Dante, s’agenouille devant l’ancienne grandeur de la Rome républicaine. Mais s’il y a eu une grandeur fondée dans des batailles sanglantes et interminables, ce fut certainement celle de l’ancienne République romaine.