Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/409

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savez mieux que moi, s’étant jusqu’à présent concentrée uniquement et exclusivement dans les villes bien plus encore que cela n’est arrivé dans aucun autre pays d’Europe. Vos paysans n’ont pas pris part à cette histoire, et ne la connaissent pas autrement que par les coups qu’ils en ont reçus à chaque nouvelle phase de son développement, par la misère, l’esclavage et les souffrances sans nombre qu’elle leur a imposés. Tous ces malheurs leur étant venus des villes, les paysans, naturellement, n’aiment pas les villes ni leurs habitants, y compris les ouvriers eux-mêmes, ceux-ci les ayant toujours traités avec un certain dédain, que les paysans leur ont rendu en défiance. C’est cette relation historiquement négative à l’égard de la politique des villes, et non la religion des paysans italiens, qui constitue la puissance des prêtres dans les campagnes. Vos paysans sont superstitieux, mais ils ne sont pas du tout religieux ; ils aiment l’Église parce qu’elle est excessivement dramatique et qu’elle interrompt, par ses cérémonies théâtrales et musicales, la monotonie de la vie campagnarde. L’Église est pour eux comme un rayon de soleil dans une vie d’efforts et de travail homicide, de douleurs et de misère.

Les paysans ne détestent pas les prêtres, dont la majorité d’ailleurs — et précisément ceux qui vivent dans les campagnes — sont sortis de leur sein. Il n’est presque pas de paysan qui n’ait dans l’Église un parent plus ou moins rapproché, ou pour le moins un cousin éloigné. Les prêtres, tout en les