Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/428

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suffisamment forte, si elle n’est qu’une passion imaginaire, idéale, et non une de ces passions suprêmes qui embrassent toute la vie. La passion réelle et sérieuse ne raisonne jamais de la sorte, elle va toujours de l’avant, elle agit toujours sans calculer ses moyens ni compter les obstacles, créant les uns et détruisant les autres, poussée par une force invincible, qui justement fait d’elle une passion.

Je trouve que le raisonnement de chacune de ces deux passions différentes est exact en son genre. La première a raison de se défier d’elle-même : parce que, d’abord, elle n’est jamais constante ni de longue durée ; elle est stérile et ne peut rien créer, ni moyens, ni amis, et s’abat le plus souvent devant le premier obstacle ; elle est impuissante, et ne pourrait, sans folie, avoir foi en elle-même. Mais la seconde, au contraire, a très souvent raison d’avoir foi en sa propre puissance, puisqu’elle crée tous les moyens dont elle a besoin pour atteindre son but, et entraîne et attire invinciblement à elle les amis, à la condition qu’elle soit une passion sociale et non égoïste.

Je suppose, je dois croire que telle est votre passion, et c’est en partant de cette base que je raisonnerai avec vous. Vous dites que vous êtes pauvres, inconnus, peu nombreux, et vous demandez quels sont les moyens dont vous pourriez disposer pour imprimer à l’opinion publique de votre pays la seule direction qui vous semble bonne et juste ? Pour répondre à cette question, il faut avant tout déter-