Page:Bakounine - Œuvres t6.djvu/94

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mélancolique, si tragique de leur histoire, toutes les absurdités religieuses, politiques, |126 économiques, sociales dont elles ont été éternellement les victimes.

Il est vrai que les expériences cruelles par lesquelles elles ont été condamnées à passer n’ont pas été toutes perdues pour les masses. Ces expériences ont créé dans leur sein une sorte de conscience historique et de science traditionnelle et pratique, qui leur tient lieu très souvent de science théorique. Par exemple, on peut être certain aujourd’hui qu’aucun peuple de l’Occident de l’Europe ne se laissera plus entraîner ni par un charlatan religieux ou messianique nouveau ni par aucun fourbe politique. On peut dire aussi que le besoin d’une révolution économique et sociale se fait vivement sentir aujourd’hui dans les masses populaires de l’Europe, même les moins civilisées, et c’est là précisément ce qui nous donne foi dans le triomphe prochain de la Révolution sociale ; car si l’instinct collectif des masses ne s’était pas si clairement, si profondément, si résolument prononcé dans ce sens, il n’est pas de socialistes au monde, fussent-ils même des hommes du plus grand génie, qui eussent été capables de les soulever.

Les peuples sont prêts, ils souffrent beaucoup, et, qui plus est, ils commencent à comprendre qu’ils ne sont pas du tout obligés de souffrir, et, fatigués de tourner sottement leurs aspirations vers le ciel, ils ne sont plus disposés à montrer beaucoup |127 de patience sur la terre. Les masses, en un mot, indé-