Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/102

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Ceux-ci, confondant dans un mélange impur les imaginations monstrueuses de l’Orient avec les idées de Platon, furent les vrais préparateurs, et plus tard, les élaborateurs des dogmes chrétiens.

Ainsi l’égoïsme personnel et grossier de Jéhovah, la domination non moins brutale et grossière des Romains et l’idéale spéculation métaphysique des Grecs, matérialisée par le contact de l’Orient, tels furent les trois éléments historiques qui constituèrent la religion spiritualiste des chrétiens.

Un Dieu qui s’élevait ainsi au-dessus des différences nationales de tous les pays, qui en était en quelque sorte la négation directe, devait être nécessairement un être immatériel et abstrait. Mais nous l’avons dit, la foi si difficile en l’existence d’un être pareil n’a pu naître d’un seul coup. Aussi fut-elle longuement préparée et développée par la métaphysique grecque, qui, la première, établit d’une manière philosophique la notion de l’idée divine, modèle éternellement reproduit par le monde visible. Mais la divinité conçue et créée par la philosophie grecque était une divinité personnelle. Aucune métaphysique conséquente et sérieuse ne pouvant s’élever ou plutôt s’abaisser à l’idée d’un Dieu personnel, il fallut donc imaginer un Dieu qui fût unique et qui fût trois à la fois. Il se trouva dans la personne brutale, égoïste et cruelle de Jéhovah, le dieu national des Juifs. Mais les Juifs, malgré cet esprit national exclusif qui les distingue encore aujourd’hui, étaient devenus de fait, bien avant la naissance du Christ, le peuple le plus international du monde. Entraînés en partie comme captifs, mais beaucoup plus encore poussés par cette passion mercantile qui constitue l’un des traits principaux de