Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/104

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lateur des misérables, des ignorants, des esclaves et des femmes, et qu’il fut beaucoup aimé par ces dernières. Il promit la vie éternelle à tous ceux qui souffrent ici-bas, et le nombre en est immense. Il fut pendu, comme de raison, par les représentants de la morale officielle et de l’ordre public de l’époque ; Ses disciples et les disciples de ceux-ci purent se répandre, grâce à la conquête romaine et à la destruction des barrières nationales, et propagèrent l’Evangile dans tous les pays connus des anciens. Partout ils furent reçus à bras ouverts par les esclaves et les femmes, les deux classes les plus oppriméés, les plus souffrantes et naturellement les plus ignorantes du monde antique. S’ils firent quelques prosélytes dans le monde privilégié et lettré, ils ne le durent même, en très grande partie, qu’à l’influence des femmes. Leur propagande la plus large s’exerça presque exclusivement dans le peuple malheureux, abruti, par l’esclavage. Ce fut la première révolte principielle du prolétariat.

Le grand honneur du Christianisme, son mérite incontestable et tout le secret de son triomphe inouï et d’ailleurs tout-à-fait légitime, est de s’être adressé à ce public souffrant et immense auquel le monde antique imposait une servitude intellectuelle et politique étroite et féroce, lui déniant jusqu’aux droits les plus simples de l’humanité. Autrement ul n’aurait jamais pu se répandre. La doctrine qu’enseignaient les apôtres du Christ, toute consolante qu’elle ait pu paraître aux malheureux, était trop révoltante, trop absurde, au point de vue de la raison humaine, pour que des hommes éclairés eussent pu l’accepter. Aussi avec quelle joie l’apôtre Paul ne parle-t-il pas du « scandale de la foi »