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Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/112

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au rétablissement de l’ordre public et à la fondation d’un gouvernement puissant et régulier. Elle acclama donc avec bonheur la dictature du premier Bonaparte, et quoique toujours voltairienne, elle ne vit pas d’un mauvais œil le concordat avec le Pape et le rétablissemént de l’Église officielle en France : « La Religion est si nécessaire au peuple ! » Ce qui veut dire que, repue, cette partie de la bourgeoisie commença dès lors à comprendre qu’il était urgent à la conservation de sa situation et de ses biens nouvellement acquis, de tromper la faim non assouvie du peuple par les promesses d’une manne céleste. Ce fut alors que commença à prêcher Chateaubriand.[1]

Napoléon tomba. La Restauration ramena en France la monarchie légitime et avec celle-ci, la puissance de l’Église et de l’aristocratie nobiliaire, qui ressaisirent la plus grande partie de leur ancienne influence, jusqu’à ce que vint le moment opportun de reconquérir le tout.

Cette réaction rejeta la bourgeoisie dans la Révolution. et avec l’esprit révolutionnaire se réveilla aussi chez elle celui de l’incrédulité : elle redevint esprit fort. Elle mit Chateaubriand de côté et recommença à lire Voltaire ; mais elle n’alla pas jusqu’à Diderot : ses nerfs affaiblis ne comportaient plus une nourriture aussi forte. Voltaire, à la fois esprit fort et déiste, lui convenait au

  1. Je crois utile de rappeler ici une anecdote, d’ailleurs très connue et tout à fait authentique, qui jette une lueur très nette sur la valeur personnelle de ces réchauffeurs des croyances catholiques et sur la société religieuse de cette époque. Chateaubriand avait apporté au libraire un ouvrage dirigé contre la foi. Le libraire lui fit observer que l’athéisme était passé de mode, que le public lisant n’en voulait plus et qu’il demandait au contraire des ouvrages religieux. — Chateaubriand se retira, mais, quelques mois plus tard, il lui apportait son Génie du Christianisme