Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/111

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Du reste, comme nous venons de le dire, ce qui dominait dans l’école du romantisme, c’était une indifférence quasi-complète pour la politique. Au milieu des nuages dans lesquels elle vivait, on ne pouvait distinguer que deux points réels : le développement rapide du matérialisme bourgeois et le déchaînement effréné des vanités individuelles.


Pour comprendre cette littérature romantique, il faut en chercher la raison d’être dans la transformation qui s’était opérée au sein de la classe bourgeoise depuis la révolution de 1793.

Depuis la Renaissance et la Réforme jusqu’à la Révolution, la bourgeoisie, sinon en Allemagne, du moins en Italie, en France, en Suisse, en Angleterre, en Hollande, fut le héros et le représentant du génie révolutionnaire de l’histoire. De son sein sortaient la plupart des libres penseurs du xviiie siècle, les réformateurs religieux des deux siècles précédents et les apôtres de l’émancipation humaine, y compris cette fois ceux de l’Allemagne du siècle passé. Elle seule, naturellement appuyée sur le bras puissant du peuple qui avait foi en elle, fit la révolution de 1789 et de 93. Elle avait proclamé la déchéance de la royauté et de l’église, la fraternité des peuples, les Droits de l’homme et du citoyen. Voilà ses titres de gloire ; ils sont immortels !

Bientôt elle se scinda. Une partie considérable d’acquéreurs de biens nationaux devenus riches et s’appuyant, non plus sur le prolétariat des villes, mais sur la majeure partie des paysans de France, devenus, eux aussi, propriétaires terriens, n’aspirait plus qu’à la paix,