Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/20

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par les propriétés ou les forces mécaniques, physiques, animales et intelligentes, qui lui sont forcément inhérentes, que cette matière n’a rien de commun avec la vile matière des idéalistes. Cette dernière, produit de leur fausse abstraction, est effectivement une chose stupide, inanimée, immobile, incapable de donner naissance au moindre produit, un caput mortuum, une vilaine imagination opposée à cette belle imagination qu’ils appellent Dieu ; vis-à-vis de l’Être suprême, la matière, leur matière à eux, dépouillée par eux-mêmes de tout ce qui en constitue la nature réelle, représente nécessairement le suprême néant. Ils ont enlevé à la matière l’intelligence, la vie, toutes les qualités déterminantes, les rapports actifs ou les forces, le mouvement même, sans lequel la matière ne serait pas même pesante, ne lui laissant rien que l’impénétrabilité et l’immobilité absolue dans l’espace ; ils ont attribué toutes ces forces, propriétés et manifestations naturelles, à l’être imaginaire créé par leur fantaisie abstractive ; puis, intervertissant les rôles, ils ont appelé ce produit de leur imagination, ce fantôme, ce Dieu qui est le néant, « Être suprême » ; et, par une conséquence nécessaire, ils ont déclaré que l’Étre réel, la matière, le monde, était le néant. Après quoi, ils viennent nous dire gravement que cette matière est incapable de rien produire, ni même de se mettre en mouvement par elle-même, et que par conséquent elle a dû être créée par leur Dieu.

Qui a raison, les idéalistes ou les matérialistes ? Une fois la question posée, l’hésitation devient impossible. Sans doute, les idéalistes ont tort et les matérialistes ont raison. Oui, les faits priment les idées ; oui, l’idéal, comme l’a dit Proudhon, n’est qu’une fleur, dont les