Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/21

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conditions matérielles d’existence constituent la racine. Oui, toute l’histoire intellectuelle et morale, politique et sociale de l’humanité est un reflet de son histoire économique.

Toutes les branches de la science moderne, de la science vraie et désintéressée, concourent à proclamer cette grande vérité, fondamentale et décisive : Le monde social, le monde proprement humain, l’humanité, en un mot, n’est autre chose que le développement suprême, la manifestation la plus haute de l’animalité — au moins pour nous et relativement à notre planète. Mais comme tout développement implique nécessairement une négation, celle de la base ou du point de départ, l’humanité est en même temps et essentiellement la négation réfléchie et progressive de l’animalité dans les hommes ; et c’est précisément cette négation, rationnelle parce qu’elle est naturelle, à la fois historique et logique, fatale comme le sont les développements et les réalisations de toutes les lois naturelles dans le monde, c’est elle qui constitue et qui crée l’idéal, le monde des convictions intellectuelles et morales, les idées.

Oui, nos premiers ancêtres, nos Adam et nos Ève, furent, sinon des gorilles, au moins des cousins très proches des gorilles, des omnivores, des bêtes intelligentes et féroces, douées à un degré plus grand que les animaux de toutes les autres espèces, de deux facultés précieuses : la faculté de penser et le besoin de se révolter.

Ces deux facultés, combinant leur action progressive dans l’histoire, représentent la puissance négative dans le développement positif de l’animalité humaine, et créent par conséquent tout ce qui constitue l’humanité dans les hommes.