Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/30

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point l’Être vigoureux et puissant, le Dieu totalement positif de la théologie. C’est un être nébuleux, diaphane, illusoire, tellement illusoire qu’il se transforme en Néant quand on croit le saisir ; c’est un mirage, un feu follet qui ne réchaufie ni n’éclaire. Et pourtant elles y tiennent, et elles croient que s’il allait disparaitre, tout disparaîtrait avec lui. Ce sont des âmes incertaines, maladives, désorientées dans la civilisation actuelle, n’appartenant ni au présent ni à l’avenir, de pâles fantômes éternellement suspendus entre le ciel et la terre, et occupant entre la politique bourgeoise et le socialisme du prolétariat absolument la même position. Elles ne se sentent la force ni de penser jusqu’à la fin, ni de vouloir, ni de se résoudre, et elles perdent leur temps : et leur peine en s’efforçant toujours de concilier l’inconciliable.

Dans la vie publique, ceux-là s’appellent les socialistes bourgeois. Aucune discussion n’est possible avec eux. Ils sont trop malades.

Mais il est un petit nombre d’hommes illustres, dont aucun n’osera parler sans respect, et dont nul ne songera à mettre en doute ni la santé vigoureuse, ni la force d’esprit, ni la bonne foi. Qu’il me suffise de citer les noms de Mazzini, de Michelet, de Quinet, de John Stuart Mill[1]. Âmes généreuses et fortes, grands cœurs. grands esprits, grands écrivains, et le premier, régéné-

  1. Stuart Mill est peut-être le seul dont il soit permis de mettre en doute l’idéalisme sérieux ; et cela pour deux raisons : la première est que, s’il n’est point absolument le disciple, il est un admirateur passionné, un adhérent de la Philosophie Positive d’Auguste Comte, philosophie qui, malgré ses réticences nombreuses, est réellement athée, la seconde, c’est que Stuart Mill était Anglais et qu’en Angleterre se proclamer athée, c’est se mettre en dehors de la société, même encore aujourd’hui.