Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/29

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illusoires et brutales du dévergondage corporel et spirituel, les jouissances aussi délicates que riches de l’humanité développée dans chacun et dans tous, la révolution sociale aura la puissance de fermer en même temps tous les cabarets et toutes les églises.

Jusque là, le peuple, pris en masse, croira, et, s’il n’a pas raison de croire, il en aura au moins le droit.

Il est une catégorie de gens qui, s’ils ne croient pas, doivent au moins faire semblant de croire. Ce sont tous les tourmenteurs, tous les oppresseurs et tous les exploiteurs de l’humanité : prêtres, monarques, hommes d’État, hommes de guerre, financiers publics et privés, fonctionnaires de toutes sortes, policiers, gendarmes, geôliers et bourreaux, capitalistes, pressureurs, entrepreneurs et propriétaires, avocats, économistes, politiciens de toutes les couleurs, jusqu’au dernier vendeur d’épices, tous répèteront à l’unisson ces paroles de Voltaire :

Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer

Car, vous comprenez, « il faut une religion pour le peuple ». C’est la soupape de sûreté.

Il existe aussi nombre d’âmes honnêtes, mais faibles, qui, trop intelligentes pour prendre les dogmes chrétiens au sérieux, les rejettent en détail, mais n’ont le courage, ni la force, ni la résolution nécessaire pour les repousser en gros. Elles abandonnent à la critique toutes les absurdités particulières de la religion, elles font fi de tous les miracles, mais elies se cramponnent avec désespoir à l’absurdité principale, source de toutes les autres, au miracle qui explique et légitime tous les autres miracles, à l’existence de Dieu. Leur Dieu n’est