Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/34

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conquérants de la France, qui en donnent aujourd’hui une démonstration aussi éclatante, il n’est plus possible vraiment d’en douter. Mais du moment qu’on accepte cette origine animale de l’homme, tout s’explique. L’histoire nous apparaît alors comme la négation révolutionnaire, tantôt lente, apathique, endormie, tantôt passionnée et puissante, du passé. Elle consiste précisément dans la négation progressive de l’animalité première de l’homme par le développement de son hümanité. L’homme, bête féroce, cousin du gorille, est parti de la nuit profonde de l’instinct animal pour arriver à la lumière de l’esprit, ce qui explique d’une manière tout a fait naturelle toutes ses divagations passées et nous console en partie de ses erreurs présentes. Il est parti de l’esclavage animal, et, traversant l’esclavage divin, terme transitoire entre son animalité et son humanité, il marche aujourd’hui à la conquête et à la réalisation de la liberté humaine. D’où il résulte que l’antiquité d’une croyance, d’une idée, loin de prouver quelque chose en sa faveur, doit au contraire nous la rendre suspecte. Car derrière nous est notre animalité et devant nous notre humanité ; la lumière humaine, la seule qui puisse nous réchauffer et nous éclairer, la seule qui puisse nous émanciper, nous rendre dignes, libres, heureux, et réaliser la fraternité parmi nous, n’est jamais au début, mais relativement à l’époque où l’on vit, toujours à la fin de l’histoire. Ne regardons donc jamais en arrière, regardons toujours en avant ; car en avant est notre soleil, en avant notre salut ; s’il nous est permis, s’il est même utile, nécessaire, de nous retourner, pour l’étude de notre passé, ce n’est qu’afin de constater ce que nous avons été et ce que nous ne