Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/37

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ont présidé à la naissance et au développement historique des hallucinations religieuses dans la conscience de l’homme. Ici je ne veux traiter cette question de l’existence d’un Dieu, ou de l’origine divine du monde et de l’homme, qu’au point de vue de son utilité morale et sociale, et je ne dirai que peu de mots sur la raison théorique de cette croyance, afin de mieux expliquer ma pensée.

Toutes les religions, avec leurs dieux, leurs demi-dieux et leurs prophètes, leurs messies et leurs saints, ont été créées par la fantaisie crédule des hommes, non encore arrivés au plein développement et à la pleine possession de leurs facultés intellectuelles. En conséquence, le ciel religieux n est autre chose qu’un mirage, où l’homme, exalté par l’ignorance et la foi, retrouve sa propre image, mais agrandie et renversée, c’est-à-dire divinisée. L’histoire des religions, celle de la naissance, de la grandeur et de la décadence des dieux qui se sont succédé dans la croyance humaine, n’est donc rien que le développement de l’intelligence et de la conscience collectives des hommes. À mesure que, dans leur marche historiquement progressive, ils découvralent, soit en eux-mêmes, soit dans la nature extérieure, une force, une qualité, ou même un grand défaut quelconques, ils les attribuaient à leurs dieux, après les avoir exagérés, élargis outre mesure, comme le font ordinairement les enfants, par un acte de leur fantaisie religieuse. Grâce à cette modestie et à cette pieuse générosité des hommes croyants et crédules, le ciel s’est enrichi des dépouilles de la terre, et, par une conséquence nécessaire, plus le ciel devenait riche et plus l’humanité, plus la terre, devenaient misérables. Une