Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/40

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

religions abétissent et corrompent les peuples ? Elles tuent en eux la raison, le principal instrument de l’émancipation humaine, et les réduisent à l’imbécilité, condition essentielle de l’esclavage. Elles déshonorent le travail humain et en font un signe et une source de servitude. Elles tuent la notion et le sentiment de la justice humaine, faisant toujours pencher la balance du côté des coquins triomphants, objets privilégiés de Îa grâce divine. Elles tuent la fierté et la dignité humaines, ne protégeant que les rampants et les humbles. Elles étouffent dans le cœur des peuples tout sentiment de fraternité humaine, en le remplissant de cruauté.

Toutes les religions sont cruelles, toutes sont fondées sur le sang ; car toutes reposent principalement sur l’idée de sacrifice, c’est-à-dire, sur l’immolation perpétuelle de l’humanité à l’insatiable vengeance de la divinité. Dans ce sanglant mystère, l’homme est toujours la victime, et le prêtre, homme aussi, mais homme privilégié par la grâce, est le divin bourreau. Cela nous explique pourquoi les prêtres de toutes les religions, les meilleurs, les plus humains, les plus doux, ont presque toujours dans le fond de leur cœur, — et, sinon dans le cœur, dans leur imagination, dans l’esprit, — quelque chose de cruel et de sanguinaire.


Tout cela, nos illustres idéalistes contemporains le savent mieux que personne. Ce sont des hommes savants qui connaissent leur histoire par cœur ; et comme ils sont en même temps des hommes vivants, de grandes âmes pénétrées d’un amour sincère et profond pour le bien de l’humanité, ils ont maudit et flétri tous ces mé-