Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/41

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faits, tous ces crimes de la religion avec une éloquence sans pareille. Ils repoussent avec indignation toute solidarité avec le Dieu des religions positives et avec ses représentants passés et présents sur la terre.

Le Dieu qu’ils adorent, ou qu’ils croient adorer, se distingue précisément des dieux réels de l’histoire, en ce qu’il n’est pas du tout un Dieu positif, déterminé de quelle manière que ce soit, théologiquement, ou même métaphysiquement. Ce n’est ni l’Être suprême de Robespierre et de J.-J. Rousseau, ni le dieu panthéiste de Spinoza, ni même le dieu, à la fois innocent, transcendant et très équivoque, de Hegel. Ils prennent bien garde de lui donner une détermination positive quelconque, sentant fort bien que toute détermination le soumettrait à l’action dissolvante de la critique. Ils ne diront pas de lui s’il est un dieu personnel ou impersonnel, s’il a créé, s’il n’a pas créé le monde ; ils ne parleront même pas de sa divine providence. Tout cela pourrait le compromettre. Ils se contenteront de dire : Dieu, et rien de plus. Mais alors qu’est-ce que leur dieu ? Ce n’est pas même une idée, c’est une aspiration.

C’est le nom générique de tout ce qui paraît grand ; bon, beau, noble, humain. Mais pourquoi ne disent-ils pas alors : l’homme ? Ah ! c’est que le roi Guillaume de Prusse et Napoléon III, et tous leurs pareils sont également des hommes : et voilà ce qui les embarrasse beaucoup. L’humanité réelle nous présente l’assemblage de tout ce qu’il y a de plus vil et de plus monstrueux dans le monde. Comment s’en tirer ? Alors ils appellent l’un, divin, et l’autre, bestial, en se représentant la divinité et l’animalité comme deux pôles entre lesquels ils placent l’humanité. Ils ne veulent ou ne peuvent pas compren-