Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/43

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clavage de tout ce qui se trouve au-dessous de lui. Donc, si Dieu existait, il n’y aurait pour lui qu’un seul moyen de servir la liberté humaine ; ce serait de cesser d’exister.

Amoureux et jaloux de la liberté humaine et la considérant comme la condition absolue de tout ce que nous adorons et respectons dans l’humanité, je retourne la phrase de Voltaire, et je dis que, si Dieu existait, il faudrait l’abolir.


La sévère logique qui me dicte ces paroles est par trop évidente pour que j’aie besoin de développer cette argumentation. Et il me paraît impossible que les hommes illustres, dont j’ai cité les noms si célèbres et si justement respectés, n’en aient pas été frappés eux-mêmes, et qu’ils n’aient point aperçu la contradiction dans laquelle ils tombent en parlant de Dieu et de la liberté humaine à la fois. Pour qu’ils aient passé outre, il a fallu donc qu’ils aient pensé que cette inconséquence ou que ce passe-droit, était pratiquement nécessaire pour le bien même de l’humanité.

Peut-être aussi, tout en parlant de la liberté comme d’une chose qui est pour eux bien respectable et bien chère, ils la comprennent tout à fait autrement que nous La concevons, nous autres, matérialistes et socialistes révolutionnaires. En effet, ils n’en parlent jamais sans y ajouter aussitôt un autre mot, celui d’autorité, un mot et une chose que nous détestons de toute la force de nos cœurs.

Qu’est-ce que l’autorité ? Est-ce la puissance inévitable des lois naturelles qui se manifestent dans l’enchaînement et dans la succession fatale des phénomènes