Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/42

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dre que ces trois termes n’en forment qu’un, et que si on les sépare, on les détruit.

Is ne sont pas forts sur la logique, et on dirait qu’ils la méprisent. C’est là ce qui les distingue des métaphysiciens panthéïstes et déistes, et ce qui imprime à leurs idées le caractère d’un idéalisme pratique, puisant ses inspirations beaucoup moins dans le développement sévère d’une pensée, que dans les expériences, je dirai presque : dans les émotions, tant historiques et collectives, qu’individuelles, de la vie. Cela donne à leur propagande une apparence de richesse et de puissance vitale, mais une apparence seulement ; car la vie elle-même devient stérile, lorsqu’elle est paralysée par une contradiction logique.

Cette contradiction est celle-ci : Ils veulent Dieu et ils veulent l’humanité. Ils s’obstinent à mettre ensemble deux termes qui, une fois séparés, ne peuvent plus se rencontrer que pour s’entre-détruire. Ils disent d’une seule haleine : Dieu et la liberté de l’homme, Dieu et la dignité, la justice, l’égalité, la fraternité, la prospérité des hommes, — sans se soucier de la logique fatale, en vertu de laquelle, si Dieu existe, tout cela est condamné à ne pas exister. Car si Dieu est, il est nécessairement le maître éternel, suprême, absolu, et si ce maître existe, l’homme est esclave ; or s’il est esclave, il n’y a ni justice, ni égalité, ni fraternité, ni prospérité possible. Ils auront beau, contrairement au bon sens et à toutes les expériences de l’histoire, se représenter leur Dieu animé du plus tendre amour pour la liberté humaine : un maître, quoi qu’il fasse et quelque libéral qu’il veuille se montrer, n’en reste pas moins toujours un maître, Son existence implique nécessairement l’es-