Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/53

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

celle d’une vérité miraculeusement révélée, ni celle d’une vérité rigoureusement et scientifiquement démonrée. Ils la fondent sur un peu d’argumentation quasi-philosophique, et sur beaucoup de foi vaguement religieuse, sur beaucoup de sentiment et d’abstraction poétique. Leur religion est comme un dernier essai de divinisation de tout ce qui constitue l’humanité dans les hommes.

C’est tout le contraire de l’œuvre que nous accomplissons. En vue de la liberté, de la dignité et de la prospérité humaines, nous croyons devoir reprendre au ciel les biens qu’il a dérobés et nous voulons les rendre à la terre. Eux, au contraire, s’efforçant de commettre un dernier larcin religieusement héroïque, voudraient restituer au ciel, à ce divin voleur, tout ce que l’humanité contient de plus grand, de plus beau, de plus noble. C’est au tour des libres-penseurs de mettre le ciel au pillage par l’audacieuse impiété de leur analyse scientifique !

Les idéalistes croient, sans doute, que, pour jouir d’une plus grande autorité parmi les hommes, les idées et les choses humaines doivent être revêtues d’une sanction divine. Comment se manifeste cette sanction ? Non par un miracle, comme dans les religions positives, mais par la grandeur ou par la sainteté même des idées et des choses : ce qui est grand, ce qui est beau, ce qui est noble, ce qui est juste, est divin. Dans ce nouveau culte religieux, tout homme qui s’inspire de ces idées, de ces choses, devient un prêtre, immédiatement consacré par Dieu-même. Et la preuve ? Il n’en est pas besoin d’autre, c’est la grandeur même des idées qu’il exprime, et des choses quil accomplit. Elles sont si saintes