Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/55

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position est impossible, parce qu’elle : est trop contredite par les faits. Il faudrait alors attribuer à l’inspiration divine toutes les absurdités et les erreurs qui se manifestent, et toutes les horreurs, les turpitudes, les lachetés et les sottises qui se commettent dans le monde. Il n’y aurait donc que peu d’hommes divinement inspirés, les grands hommes de l’histoire, les génies vertueux, comme disait l’illustre citoyen et prophète italien Giuseppe Mazzini. Immédiatement inspirés par Dieu même et s’appuyant sur le consentement universel, exprimé par le suffrage populaire, Dir e Popolo, ce sont eux qui seraient appelés à gouverner les sociétés humaines[1].

Nous voilà retombés sous le joug de l’Église et de l’État. Il est vrai que dans cette organisation nouvelle, due, comme toutes les organisations politiques anciennes, à la grâce de Dieu, mais appuyée cette fois, au moins pour la forme, en guise de concession nécessaire à l’esprit moderne, et comme dans les préambules des décrets impériaux de Napoléon III, sur la prétendue volonté du peuple, l’Église ne s’appellera plus Église, elle s’appelle École. Qu’importe ? Sur les bancs de cette École ne seront pas assis seulement les enfants : il y aura le mineur éternel, l’écolier reconnu à jamais incapable de subir ses examens, de s’élever à la science de ses maîttes et de se passer de leur discipline, le peuple. L’État ne s’appellera plus monarchie, il s’appellera république, mais il n’en sera pas moins l’État, c’est-à-dire

  1. À Londres, j’ai entendu M. Louis Blanc exprimer à peu près la même idée : « La meilleure forme de gouvernement », m’a-t-il dit, « serait celle qui appellerait toujours aux affaires les hommes de génie vertueux ».