Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/56

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une tutelle officiellenent et régulièrement établie par une minorité d’hommes compétents, hommes de génie, de talent, ou de vertu, qui surveilleront et dirigeront la conduite de ce grand, incorrigible et terrible enfant, le peuple. Les professeurs de l’École et les fonctionnaires de l’État s’appelleront des républicains ; mais ils n’en seront pas moins des tuteurs, des pasteurs, et le peuple restera ce qu’il a été éternellement jusqu’ici, un troupeau. Gare aux tondus, car là où il y a un troupeau, il y aura nécessairement aussi des pasteurs pour le tondre et le manger.

Le peuple, dans ce système, sera l’écolier et le pupille éternel. Malgré sa souveraineté toute fictive, il continuera de servir d’instrument à des pensées, à des volontés et par conséquent aussi à des intérêts qui ne seront pas les siens. Entre cette situation et ce que nous appelons, nous, la liberté, la seule vraie liberté, il y a un abîme. Ce sera, sous des formes nouvelles, l’antique oppression et l’antique esclavage ; et là où il y a esclavage, il y a misère, abrutissement, la vraie matérialisation de la société, des classes privilégiées aussi bien que des masses.

En divinisant les choses humaines, les idéalistes aboutissent toujours au triomphe d’un matérialisme brutal. Et cela par une raison très simple : ce divin s’évapore et monte vers sa patrie, le ciel, et le brutal seul reste réellement sur la terre.

Je demandais un jour à Mizzini quelles mesures on prendrait pour l’émancipation du peuple, une fois que sa république unitaire triomphante aurait été définitivement établie ? « La premiïre mesure, me dit-il, sera [a fondation d’écoles pour le peuple. » — Et qu’enseignera--