Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/62

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

métaphysiques, politiques et juridiques, instituées par l’Église et par l’État ; plus puissante que vos codes criminels, vos geôliers et vos bourreaux.

La puissance du sentiment collectif ou de l’esprit public est déjà très sérieuse aujourd’hui. Les hommes le plus portés à commettre des crimes osent rarement la défier, l’affronter ouvertement. Ils chercheront à la tromper, mais ils se garderont bien de la brusquer, à moins qu’ils ne se sentent appuyés par une minorité quelconque. Aucun homme, quelque puissant qu’il se croie, n’aura jamais la force de supporter le mépris unanime de la société, aucun ne saurait vivre sans se seniir soutenu par l’assentiment et l’estime au moins d’une partie quelconque de cette société. Il faut qu’un homme soit poussé par une immense et bien sincère conviction, pour qu’il trouve le courage d’opiner et de marcher contre tous, et jamais homme égoïste, dépravé et lâche, n’aura ce courage.

Rien ne prouve mieux que ce fait la solidarité naturelle et fatale qui relie tous les hommes. Chacun de nous peut constater cette loi, chaque jour, et sur lui-même et sur tous les hommes qu’il connaît. Mais, si cette puissance sociale existe, pourquoi n’a-t-elle pas suffi jusquà l’heure actuelle, à moraliser, à humaniser les Hommes ? C’est tout simplement, parce que, jusquà présent, cette puissance n’a point été humanisée elle-même ; elle n’a point été humanisée, parce que la vie sociale dont elle est toujours la fidèle expression est fondée, comme où sait, sur le culte divin, non sur le respect humain ; sur l’autorité, non sur la liberté ; sur le privilège, non sur l’égalité ; sur l’exploitation, non sur la fraternité des hommes ; sur l’iniquité et le mensonge,