Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/78

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dignité, ni même pour les souffrances des hommes vivants, des hommes réels. Le zèle divin, la préoccupation de l’idée finissent par dessécher dans les âmes les plus tendres, dans les cœurs les plus compatissants, les sources de l’amour humain. Considérant tout ce qui est, tout ce qui se fait dans le monde au point de vue de l’éternité ou de l’idée abstraite, ils traitent avec dédain les choses passagères ; mais toute la vie des hommes réels, des hommes en chair et en os, n’est composée que de choses passagères ; eux-mêmes ne sont que des êtres qui passent, et qui, une fois passés, sont remplacés par d’autres tout aussi passagers, mais qui ne reviennent jamais en personne. Ce qu’il y a de permanent ou de relativement éternel c’est l’humanité qui sa développe constamment d’une génération à l’autre. Je dis relativement éternel, parce qu’une fois notre planète détruite, et elle ne peut manquer de périr tôt ou tard, toute chose qui a commencé devant nécessairement finir, — une fois notre planète décomposée, pour servir sans doute d’élément à quelque formation nouvelle dans le système de l’univers, le seul réellement éternel, qui sait ce qui adviendra de tout notre développement humain ? Pourtant, le moment de cette dissolution était immensément éloigné de nous, nous pouvons bien considérer, relativement à la vie humaine si courte, l’humanité comme éternelle. Mais ce fait même de l’humanité progressive, n’est réel et vivant que par ses manifestions en des temps déterminés, en des lieux déterminés, en des hommes réellement vivants, et non dans son idée générale.


L’idée générale est toujours une abstraction et par