Page:Bakounine - Dieu et l’État, 1892.djvu/86

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que et absurde. Mais que la science positive ait montré les mêmes tendances, voilà ce que nous devons déplorer en le constatant. Elle n’a pu le faire que pour deux raisons : d’abord parce que, constituée en dehors de la vie, elle est représentée par un corps privilégié, et ensuite parce qu’elle s’est posée elle même jusqu’ici comme but absolu et dernier de tout développement humain. Par une critique judicieuse, qu’elle peut et qu’en dernière instance elle se verra forcée d’exercer contre elle-même, elle aurait dû comprendre au contraire qu’elle est seulement un moyen pour la réalisätion d’un but bien plus élevé : celui de la complète humanisation de tous les individus qui naissent, qui vivent et qui meurent sur la terre.

L’immense avantage de la science positive sur la théologie, la métaphysique, la politique et le droit juridique consiste en ceci : qu’à la place des abstractions mensongères et funestes, prônées par ces doctrines, elle pose des abstractions vraies qui expriment la nature générale et la logique des choses, leurs rapports généraux et les lois générales de leur développement. Voilà ce qui lui assurera toujours une grande position dans la société. Elle constituera en quelque sorte sa conscience collective ; mais il est un côté par lequel elle ressemble à toutes les doctrines antérieures : n’ayant et ne pouvant avoir pour objet que des abstractions, elle est forcée par sa nature même d’ignorer les hommes réels, en dehors desquels les abstractions les plus vraies n’ont point d’existence. Pour remédier à ce défaut radical, la science de l’avenir devra procéder autrement que les doctrines du passé. Celles-ci se sont prévalues de l’ignorance des masses pour les sacrifier avec volupté à leurs abstrac-