Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/167

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séquent, la Russie exerce ici une influence plus grande qu’elle ne le peut en Suède, où elle est également détestée du gouvernement et du peuple, et où elle provoque chez tous une violente haine. Il est indéniable que si nous étions restés seulement un jour de plus à Copenhague, nos hommes et notre cargaison eussent été mis sous séquestre, sur la demande de l’ambassade russe. Nos hommes eussent été réexpédiés en Angleterre, mais nos armes auraient été confisquées.

Il ne nous restait qu’à gagner Malmoë, le port suédois le plus proche, situé à deux heures de Copenhague. En prenant ce parti, nous exigeâmes que la Compagnie nous fit débarquer à Gothland, afin qu’elle ne pût se retrancher derrière la lettre du contrat, en faisant prévaloir qu’elle nous avait conduits à Malmoë, sur notre demande.

Mais, notre capitaine refusa obstinément d’aller à Gothland, appréhendant les croiseurs russes et nos revolvers qu’il voyait braqués sur sa poitrine ; en effet, nous l’avions menacé de tenter l’abordage dans le cas où il nous aurait attiré un croiseur et que, si nous ne pouvions y réussir, nous ferions sauter le navire pour périr avec lui. Il ne voulut pas même nous conduire à Malmoë, de sorte que l’agence de la Compagnie fut réduite à engager un capitaine et un équipage danois, grâce aux efforts desquels notre malheureux vapeur, délaissé par tous les Anglais, toucha le 30 mars, à cinq heures du soir, Malmoë.

L’agence de la Compagnie nous retint longtemps encore à Copenhague, dans l’espoir de nous extorquer la quittance. C’est alors que nous nous ressentîmes de toutes les conséquences de la négligence de Cwierczakiewicz qui avait oublié ou, au dire de quelques-uns, n’avait pas voulu donner le double du