Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/166

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matelots et que, grâce à notre conduite, ces citoyens de la Grande Bretagne se refusaient à continuer l’expédition en se révoltant contre lui-même ; en sorte que, malgré son plus vif désir, il se voyait impuissant à remplir les conditions de notre contrat. Cependant toutes les avances de cette racaille restèrent infructueuses. Sir Paget ne crut pas un mot de tous ses racontars. Un seul point nous divisait : Sir Paget ne pouvait se faire à l’idée que notre capitaine eût agi de concert avec les agents russes ; il attribuait ses actes inavouables simplement à sa lâcheté.

D’ores et déjà, vous savez que la maison Hansen et Cie, à Copenhague, est une agence de la compagnie anglaise qui conclut le contrat avec Cwierczakiewicz, et dont les agents, comme me l’a déclaré sir Paget lui-même, sont en même temps les agents de la flotte russe pour l’approvisionnement de charbon, etc. Et précisément, durant ces derniers jours, la maison s’occupait de préparer le charbon qu’elle devait fournir à un steamer russe qu’on attendait le lendemain. Sir Paget se rendit lui-même à cette agence. Évidemment, il n’y avait plus à songer à poursuivre notre expédition. À l’instigation de leur capitaine, tous les matelots quittèrent le bord. Deux de ces marins seulement restèrent avec nous ; le mécanicien, un jeune homme très loyal, indigné de cette infâme manœuvre, et le pilote, un Danois.

Nous ne pouvions désirer qu’une chose : c’était de quitter Copenhague et d’entrer dans le premier port suédois qu’il se pourrait au plus vite. Après la note stupide de Rossel, le gouvernement danois, voyant que toute l’Europe lui était hostile, recherchait la protection de la chancellerie de Saint-Pétersbourg. Par con-