Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/223

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ves, je suis arrivé à obtenir des résultats pratiques.

À présent, nous avons des adhérents en Suède, en Norvège, en Danemark, en Angleterre, en Belgique, en France, en Espagne et en Italie. Nous avons aussi des amis polonais et nous comptons même quelques Russes parmi nous. La plupart des organisations mazziniennes de l’Italie méridionale, de la Falangia sacra sont venues à nous. Cependant, dans un manifeste adressé à ses amis de Naples et de Sicile, Mazzini me dénonça formellement, en me donnant toutefois le titre de il mio illustro amico Michele Bakunin. Ce n’était pas bien commode pour moi ; cette dénonciation pouvait me compromettre sérieusement, vu que les phalanges mazziniennes, en Sicile surtout, fourmillent de mouchards payés par le gouvernement italien. Fort heureusement pour moi, celui-ci ne se rend pas encore compte du mouvement socialiste dans le pays, partant, il n’a pas d’appréhension à ce sujet. Assurément, il manifeste par là sa grosse bêtise car, après le naufrage que firent en Italie les différents partis politiques et après l’effondrement de leurs idées et de leurs buts il ne reste de vital et de possible dans ce pays qu’une seule force, — c’est la révolution sociale. Dans l’Italie méridionale surtout, le bas peuple accourt en masse vers nous, et ce n’est pas la matière première qui nous manque, mais ce sont les hommes instruits et intelligents qui agissent franchement et qui soient capables de donner une forme à cette matière première, qui nous font défaut. Le travail à faire est énorme ; les obstacles à surmonter sont innombrables ; les ressources pécuniaires manquent absolument. Et malgré tout, malgré cette forte diversion militaire, nous ne perdons ni courage, ni patience.