Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/224

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C’est qu’il faut en avoir une forte dose, et bien que lentement, nous avançons chaque jour. Inutile d’en dire davantage pour vous faire comprendre à quoi j’étais occupé durant ces trois années. D’accord avec vous, que pour obtenir le succès dans une affaire quelconque, il faut l’isoler de toute autre chose, de tout ce qui est en dehors d’elle, de tout ce qui est superflu et qu’il faut s’y abandonner sans réserve, je m’efforçai d’abstraire mon esprit de tout autre sujet. De cette manière, je me vis obligé de rompre avec vous, sinon dans le but, au moins dans la méthode, et vous savez que « la forme entraîne toujours le fond avec elle… » Car, il m’est absolument incompréhensible que vous vous soyez engagés dans la voie que vous suivez actuellement ; je ne voulais pas entamer à ce sujet une polémique, mais il m’était impossible de marcher de front avec vous. En effet, je ne conçois pas le but ni l’utilité des lettres que vous adressez à l’empereur. Au contraire, je prévois tout le mal qui peut en résulter, car elles ne sauraient avoir pour conséquence que d’engendrer dans les esprits inexpérimentés cette idée absurde que le peuple doit attendre encore quelque chose de l’État, en général, et particulièrement, de l’État de toutes les Russies — de cet empereur et du gouvernement qui le représentent. Selon mon avis, c’est précisément en semant le mal et en se répandant en toutes sortes d’abominations qu’ils font leur métier. À ce qu’il paraît, vous avez appris chez les whigs anglais à mépriser la logique ; quant à moi, je n’ai jamais cessé de la respecter et je me permettrai de vous rappeler qu’il ne s’agit pas ici de la logique arbitraire d’un individu, mais bien de la logique des faits et de la réalité même. En lisant vos lettres à Alexandre II, on dirait que vous