Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/248

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là que sont accumulés les éléments de la vie ; là est l’énergie, une volonté ferme et loyale. Mais alors, gardez-vous bien de leur offrir une pâture qui serait un mélange de demi-mots, de lumière à moitié dérobée et de vérité à moitié voilée. Oui, reprenez votre place à la tribune, mais en renonçant à votre prétendu tact, qui, vraiment, est un pur non sens ; élevez votre voix pour affirmer sans scrupule tout ce que vous pensez, sans vous soucier davantage de combien de pas vous aurez devancé votre public. N’ayez crainte, ce public ne restera pas en arrière et au besoin, si vous allez céder à la fatigue, il vous donnera de l’élan, vous poussera en avant, car il est jeune, énergique et viril ; il aspire à la lumière et ne reculera pas devant la vérité, de quelque nature qu’elle soit. Et tout en lui prêchant la circonspection, la prudence, exposez-lui la vérité entièrement, afin qu’à sa lumière il puisse voir où il devra marcher en conduisant le peuple. Hâtez-vous de délier vos bras, garrottés par la crainte et par les combinaisons propres aux décrépits ; débarrassez-vous de votre tactique et de vos méthodes pratiques ; laissez ces manœuvres de côté. Cessez d’être les Erasme pour devenir des Luther ; et alors, vous verrez revenir à vous, en même temps que la foi en votre cause, et votre éloquence, et votre force.

Et c’est alors que vos vieux enfants prodigues, qui vous ont trahi, reconnaissant dans votre voix celle d’un chef, de nouveau accourront vers vous, repentants. Mais, malheur à vous si vous les accueillez.

Voilà, mes amis, comme je pense, moi. Tous pouvez me juger comme bon vous semblera, mais prenez soin de me faire votre réponse, non par un jeu de mots qui ne dit rien, mais par l’action. Et quant à