Page:Bakounine - Lettres à Herzen et Ogarev, trad. Stromberg, Perrin, 1896.djvu/90

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dans la pièce qu’une faible lumière. Dans cette pénombre je remarquai en un coin, à droite, un grand lit très bas, sur lequel Bakounine reposait encore.

« R-s me présenta. Bakounine nous tendit les deux mains et, respirant difficilement, à cause de son asthme, se leva et se mit à s’habiller. Je jetai un regard autour de moi ; à gauche, une longue table, sur laquelle étaient entassés des journaux, des livres et ce qui est nécessaire pour écrire. À côté, s’élevait une bibliothèque en bois blanc, dont les rayons, chargés de toutes sortes de papiers, montaient jusqu’au plafond. Au milieu de la chambre, une table ronde, sur laquelle étaient pêle-mêle, un samovar, des verres, du tabac, des morceaux de sucre, des cuillères à thé… de ci, de là, quelques chaises.

« Bakounine était d’une colossale stature, encore que son embonpoint fût évidemment dû à sa maladie. Son visage était bouffi et sous ses yeux bleus ou gris-clair, s’étaient formées des poches. Un front élevé, couronnait sa tête puissante ; sur ses tempes se hérissaient quelques boucles de cheveux grisonnants. Pendant qu’il s’habillait, en s’essoufflant de temps en temps, il jetait sur moi un regard limpide et clair. Je sentais ce regard et mon malaise était d’autant plus grand, qu’il ne m’adressait aucune parole. J’avais ouï dire déjà, que Bakounine jugeait les gens d’après sa première impression, et il se pouvait bien qu’il voulût étudier un peu ma physionomie. Parfois, il échangeait avec R-s. quelques courtes observations. Souvent il bredouillait en parlant, parce que