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Page:Balde - Mme de Girardin.djvu/16

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Tandis que ces émotions flottaient autour d’elle, s’insinuaient dans ses replis d’âme, sa mère l’initiait déjà à la vie mondaine. Comme Mme de Staël, elle a grandi dans un salon; et ce salon ne manquait ni de nouvelles, ni d’animation. À Aix-la-Chapelle, les allants et venants étaient nombreux. Chaque année, au moment de la saison d’eaux, il n’était pas de personnage distingué, pas d’artiste surtout qui ne tînt à paraître chez le Receveur général. Et quelle gaîté, que de railleries dans ce cercle ! Non seulement Mme Gay ne recevait pas les ennuyeux, mais elle les chansonnait en couplets très vifs, toutes portes closes bien entendu; les bévues dès uns et des autres fournissaient de gaîté les soupers intimes.

Malheureusement, les situations officielles réclament plus de prudence et d’habileté. Les traits d’esprit de Mme Gay étaient commentés, divulgués avec malveillance ; et ce fut l’un d’eux qui provoqua, dans les dernières années de l’Empire, la disgrâce du Receveur général. De ce fait, la famille se trouvait ruinée, livrée aux difficultés de la vie.

M. Gay resta à Aix-la-Chapelle, où il essaya de fonder une maison de banque ; quant à sa femme, elle vécut surtout à Paris, où l’attiraient ses relations et son désir de s’adonner à des occupations littéraires.

D’ailleurs, au temps de sa prospérité, elle n’avait jamais manqué de revenir à Paris. Elle y avait de si charmants amis et de si illustres ! C’étaient le baron Gros, le baron Gérard, Carie Vernet, le comte de Forbin, « l’élégance même , tant d’autres encore, tous les beaux de la littérature et du monde ». En outre, depuis sa disgrâce, elle était passée dans l’opposition, et les mécontents fréquentaient chez elle. Ils s’y délassaient de leurs rancunes, surtout quand Duval ou Picard animaient le cercle de leur verve. Sophie Gay, qui connaissait de longue date ces deux hommes d’esprit, les aimait pour leur gaîté franche, un peu gauloise, pour leurs traditions de bonne comédie. Un jour, pour la fête d’Alexandre Duval, elle fit jouer une petite pièce impromptue dont les acteurs étaient Boieldieu, le