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REINE D’ARBIEUX

paroles en les laissant un peu attendre. Il se fit prier.

— Excusez-moi, madame, mais ma situation ici est très délicate.

Elle voulait savoir s’il avait à se plaindre de son mari. Il se dérobait, avec une fierté agressive : qu’était-il dans cette maison ? Un employé ! Un parent pauvre ! Ces mots bouleversèrent la jeune femme. Il n’en fallait pas davantage pour qu’elle vît en lui une nature froissée comme l’était la sienne, par des violences et des injustices qui la révoltaient.

Elle lui dit :

— Vous voyez, je vous ai donné mon amitié. Si je n’ai pu vous inviter, c’est parce que Germain est si étrange… Ne croyez pas qu’il agisse différemment avec les autres. Mes parents, mes amis, personne devant lui n’a trouvé grâce. Il ne faut pas nous en vouloir et m’abandonner.

Il fit mine de rester incrédule. Elle continua, laissant échapper tous ses secrets :

— Moi aussi, j’ai bien à souffrir. Votre sympathie m’était douce. Il me semblait que vous me compreniez. J’aimais votre esprit, votre conversation et ces livres que vous me prêtiez. Sans vous connaître beaucoup encore, vous m’aviez paru différent de tous ceux qui m’ont fait du mal.

Elle lui dit avec une sincérité frémissante qu’elle n’avait jamais été heureuse. Son enfance avait été sevrée de tendresse. Son père, qu’elle avait tant